Résume | Dans l’histoire des mathématiques en Chine, l’époque d’activité de Li Shanlan coïncide avec les décennies qui précèdent et suivent la fin des guerres de l’opium (1839-1842 et 1856-1860) et correspond à la deuxième vague d’introduction et de traduction d’ouvrages scientifiques occidentaux en langue chinoise. Ce qui rend cette période particulièrement intéressante, c’est que les sciences occidentales n’avaient pas entièrement effacé la tradition mathématique chinoise. Nombreux traducteurs jouaient donc sur deux registres : d’un côté, ils étaient familiers de l’analyse et du formalisme algébrique qu’ils adaptaient aux caractéristiques de la langue chinoise dans leurs traductions ; de l’autre, ils continuaient à travailler sur des sujets relevant de leur propre tradition. Un de ces sujets, les « accumulations discrètes » (duoji 垛積), une notion comparable à celle des « nombres figurés » dans la tradition occidentale, est au cœur du traité de Li Shanlan, le Catégories analogues d’accumulations discrètes (Duoji bilei 垛積比類), publié en 1867. Il contient une identité remarquable, l' « identité de Li Shanlan », qui est rentrée dans les manuels de combinatoire contemporains via une transcription symbolique du texte algorithmique d'origine. C'est aussi par le biais des transcriptions symboliques que l’on peut reconnaître facilement une régularité dans une suite de « formules particulières ». La reconnaissance d’un schéma régulier permet alors de conjecturer cette identité combinatoire générale. Mais est-ce ce chemin heuristique que Li Shanlan avait suivi ? Je discuterai dans mon intervention une autre lecture possible, basée sur la structure globale du traité et le rôle visuel des triangles arithmétiques qu'il contient. |