Résume | Au cours des deux derniers siècles, avec le développement et la diversification des pratiques de modélisation - en particulier mathématique et formelle - cela aux côtés des pratiques de théorisation formelle, la question de savoir si les représentations scientifiques sont réalistes s’est complexifiée et plusieurs fois clivée. Certaines conceptions de philosophie des sciences ont ainsi pu se formuler concurremment et comme à front renversé : à des époques distinctes, parfois aux mêmes époques, certains auteurs soutiennent que les modèles ne sont pas réalistes ou moins réalistes que les théories ou encore qu’ils n’ont pas à l’être, alors que d’autres auteurs semblent soutenir l’exact contraire. Qu’en est-il ? S’agit-il de véritables oppositions ? Car, finalement, les fonctions épistémiques spécifiques des modèles telles qu’elles sont souvent implicitement supposées dans ces grands procès en « réalisme » sont-elles bien chaque fois les mêmes pour ces doctrines concurrentes de philosophie des sciences ? Dans cet exposé, en m’appuyant en particulier sur l’enquête menée dans mon ouvrage Théorie, réalité, modèle (Matériologiques, 2012), je me livrerai à une mise en perspective historique et comparative de certaines de ces propositions de philosophie des sciences qui furent spécifiquement aux prises avec la physique, ses théories et ses modèles depuis le XIXe siècle. Je poserai la question de savoir en quoi et pourquoi le développement de la modélisation formelle, de plus en plus clairement conçue - dans la pratique scientifique elle-même - comme distincte d’une théorisation et d’une axiomatisation, a considérablement complexifié mais aussi enrichi les différentes réponses possibles apportées à la question du réalisme scientifique. |